Baamsedaa: Marchons ensemble

Par Jeff Plain, Traduit de l’anglais par Sophie Raymond

En tant qu’Autochtone, je comprends que le sentiment d’appréhension et de désespoir puisse se manifester lorsqu’on cherche à obtenir justice. Ce sentiment peut provenir d’une certaine méfiance envers les différents systèmes de justice — pénale, familiale, civile ou administrative.

Combler un besoin important

Nous avons déjà pu constater les répercussions tragiques de l’incarcération et du suicide dans nos familles et nos communautés. En outre, comme beaucoup d’Autochtones le réalisent en s’installant dans des zones urbaines— les jeunes de plus en plus —, faire son chemin dans la vie peut s’avérer éprouvant et difficile lorsque les lois et la législation leur sont inconnues.

Une assistance adaptée fournie par des organismes qui comprennent la « réalité autochtone » est nécessaire afin que les individus ne tombent plus dans l’itinérance et la pauvreté et qu’ils soient plus susceptibles d’obtenir justice. Comprendre la culture, le dialogue, la spiritualité et l’identité autochtone, de même que ne porter aucun jugement et partager des affinités avec les personnes autochtones, est essentiel pour établir une bonne relation avec les clients.

Ces croyances, ainsi que certains obstacles comme la difficulté de se déplacer pour les individus vivant dans une réserve, ont constitué le fondement de mon engagement à l’élaboration du programme Baamsedaa « Marchons ensemble » avec la clinique juridique Community Legal Assistance Sarnia (CLAS).

Comment le programme fonctionne-t-il?

Le programme Baamsedaa fournit un soutien adapté aux clients tout au long du processus. Nous nous assurons surtout que les voies de communication sont ouvertes. Cela nous permet d’entretenir des discussions avec nos clients qui peuvent contribuer à repérer plusieurs problèmes ou à les guider plus adéquatement vers d’autres organismes.

Le programme, qui a été élaboré et est géré par CLAS avec le soutien financier d’Aide juridique Ontario, compte parmi ses partenaires plusieurs services sociaux essentiels de Sarnia-Lambton. Ces collaborations permettent aux clients des différents organismes de recevoir plus facilement une assistance adaptée concernant les problèmes auxquels ils sont confrontés.

Depuis son lancement en 2011, les tribunaux de Sarnia-Lambton, le Lambton College, la Société de l’aide à l’enfance, des avocats du secteur privé, des organismes se trouvant à l’extérieur de la région et des organisations qui cherchent des ressources ou de l’assistance pour leurs clients ont tous eu recours au programme Baamsedaa. Puisque la communauté autochtone appuie sans hésiter les travaux profitant à ses membres, il est permis d’envisager une croissance potentielle du programme. Un indice de la possibilité de cette croissance a été fourni par la collaboration avec la Clinique juridique communautaire de Hamilton alors que cette dernière désirait créer son propre poste de travailleur d’approche autochtone basé sur le modèle Baamsedaa, qui est actuellement occupé par Lyndon George.

Ce qui me rend le plus fier en tant qu’Anishinabe

Personnellement, en tant qu’Anishinabe, ce qui me rend le plus fier est d’avoir la capacité d’aider et de renseigner les autres. Mon expérience me permet de comprendre réellement les clients avec qui je travaille et, par conséquent, de diminuer leurs appréhensions, leur méfiance et leurs peurs, à un point tel que j’ai vu s’effectuer chez des personnes des changements d’attitudes qui ont entraîné une nouvelle orientation pour eux, leur famille et même pour leur communauté.

Je suis également fier de la reconnaissance que le programme Baamsedaa/CLAS a reçue des communautés autochtones et non autochtones. Les aînés autochtones nous ont remis une Plume d’Aigle en reconnaissance du travail accompli auprès des jeunes autochtones en 2012 et l’Association des Services sociaux des Municipalités de l’Ontario nous a remis le prix provincial « Local Municipal Champion » en 2013. De telles marques de reconnaissance témoignent de l’éducation interculturelle, laquelle entraîne une meilleure compréhension de la réalité autochtone et du système de justice.

 

Les effets du programme Baamsedaa

J’ai vu des clients qui ont été en mesure de régler leur affaire éprouver un sentiment d’équité. Ceux qui cherchent à obtenir réparation par l’entremise du programme comprennent mieux les processus législatifs et comprennent également qu’il existe des mécanismes qui garantissent l’écoute des clients lors de la prise de décision.

Avec un peu de chance, plus le nombre de personnes participant aux processus augmentera, plus la compréhension mutuelle des différents systèmes et des différentes croyances et cultures se développera. Il faut du courage et de la force pour chercher à obtenir justice dans un système de justice étranger, mais le faire encourage les individus et crée des occasions qui pourront modifier positivement les circonstances.

Il faudra un certain temps avant que le travail que j’effectue ainsi que celui de différents organismes traitant des questions de justice touchant les Autochtones permettent de restaurer la confiance des clients dans les systèmes de justice. Cependant, l’engagement d’Aide juridique Ontario envers son importante Stratégie de justice applicable aux Autochtones et le financement continu qu’elle accorde aux projets de types Baamsedaa nous aideront à renforcer l’inclusion et à changer les attitudes des personnes vis-à-vis des systèmes de justice.

Jeff Plain est travailleur juridique communautaire à la clinique juridique Community Legal Assistance Sarnia (CLAS). Jeff et des membres du personnel de CLAS ont élaboré le programme Baamsedaa et l’offrent actuellement à cette clinique juridique communautaire. 

AJO est ravie d’annoncer que  le programme Baamsedaa de la Community Legal Assistance Sarnia sera financé pendant deux autres années à compter du début de l’exercice financier 2014/15.