Stratégie en matière de santé mentale

Au sujet de la Stratégie

La Stratégie en matière de santé mentale marque le début de l’engagement à long terme d’Aide juridique Ontario à donner la priorité aux droits et à la défense des droits en matière de santé mentale et à oeuvrer à leur élargissement et à leur maintien dans le système juridique de l’Ontario.

En collaborant avec des partenaires dans les secteurs de la justice et de la santé, la Stratégie en matière de santé mentale permettra aux avocats de l’aide juridique d’aborder d’une façon plus coordonnée les questions juridiques croisées des clients qui ont des troubles de santé mentale.

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Des tribunaux spécialisés en matière de santé mentale pour adolescents

Par Krista Davis et Michele Peterson-Badali
Traduit de l’anglais par Sophie Raymond

« Quelqu’un nous voit comme une personne… La cour a reconnu son énorme travail et l’a encouragé à continuer. Le juge lui a dit : Je crois en toi » et il l’a félicité. »

Ce genre de remarque n’est pas monnaie courante dans le système de justice pénale de l’Ontari. Pourtant, elle n’est qu’un exemple nombreuses réponses récemment recueillies dans le cadre d’une étude pionnière sur les tribunaux spécialisés en matière de santé mentale de l’Ontario.

Reconnaître les besoins en santé mentale des adolescents ayant des démêlés avec la justice

Les tribunaux spécialisés en matière de santé mentale sont en voie de devenir un élément familier du système de justice pénale de l’Ontario. Ces tribunaux, qui offrent un processus judiciaire de rechange privilégiant le soutien communautaire et les possibilités de traitement plutôt qu’une peine d’emprisonnement, ont déjà donné des résultats prometteurs. Une étude a révélé que les tribunaux spécialisés en matière de santé mentale pour adultes encourageaient la participation à des programmes de soutien et réduisaient les cycles de criminalisation récurrents.

Cependant, au cours des dernières années, des préoccupations au sujet des besoins en santé mentale des jeunes ayant des démêlés avec la justice n’ont cessé de croître. Le taux de personnes ayant des troubles mentaux est deux à cinq fois plus élevé chez les jeunes ayant des démêlés avec la justice que chez les jeunes en général. De plus, bien que le premier tribunal spécialisé en matière de santé mentale pour adolescents a ouvert à Ottawa en 2008 et que bien d’autres tribunaux de ce genre ont été ouverts depuis, on sait relativement peu de choses au sujet de leur fonctionnement et de leur efficacité.

Réaliser une évaluation sur le premier tribunal spécialisé en matière de santé mentale pour adolescents

Nous avons été invités à réaliser une évaluation sur le premier tribunal spécialisé en matière de santé mentale pour adolescents de Toronto, le « Community Youth Court », situé au 311, rue Jarvis. Cette évaluation avait pour but d’examiner le processus judiciaire afin de déterminer si le fonctionnement du tribunal intègre des pratiques efficaces qui soutiendraient les jeunes ayant des démêlés avec la justice et ayant des besoins en santé mentale.

Les données ont été recueillies en faisant le suivi attentif et continu d’affaires portées devant le Community Youth Court de 2011 à 2013 et qui mettaient en cause des adolescents. Des entretiens ont aussi été menés auprès de nombreux jeunes et leurs parents ainsi qu’auprès de professionnels qui œuvrent dans le système judiciaire, notamment des juges, des avocats de la Couronne, des avocats de la défense et des fournisseurs de services communautaires et de santé.

Les résultats de notre évaluation ont mis en lumière certaines forces du programme qui favorisent la réhabilitation des adolescents ayant des démêlés avec la justice et ayant des besoins en santé mentale.

Nos conclusions

Par exemple, le tribunal s’efforce de faire participer les jeunes et leurs parents dans le processus judiciaire. Cette pratique s’inscrit dans le cadre d’une recherche qui a permis d’établir une relation notable entre des résultats de traitements positifs et le degré de collaboration et de cordialité entre les clients et les fournisseurs de traitement, et qui a démontré que l’intégration de la famille dans le processus judiciaire est un élément important de la réhabilitation.

De plus, un des thèmes dominants qui a ressorti de nos entretiens a été l’importance de la relation de collaboration entre les différents membres du personnel des tribunaux spécialisés en matière de santé mentale : le juge, l’avocat de la Couronne, l’avocat de service et le travailleur social auprès du tribunal spécialisé en matière de santé mentale pour adolescents. Les adolescents et leurs parents ont senti que les membres du tribunal cherchaient à identifier leurs besoins et veillaient à leur bien-être.

Une autre force du programme réside dans le dépistage des troubles de santé mentale chez tous les adolescents qui passent devant le tribunal. Effectuer un dépistage s’est avéré indispensable pour repérer les adolescents à risque et pour reconnaître ceux qui nécessitaient une évaluation plus détaillée ainsi que des soins. Un peu plus de la moitié des adolescents qui sont passés devant le Community Youth Court ont été aiguillés vers des services de traitement adaptés à leurs besoins en santé mentale. Plusieurs participants ont parlé de l’importance de se voir proposer un traitement dont ils n’auraient pas pu bénéficier autrement.

L’une des dernières grandes forces du programme se situe dans la vitesse de réponse du le tribunal envers les jeunes. Une intervention rapide est essentielle à la fois du point de vue du traitement et du point de vue de la justice pénale.

Des aspects nécessitant une amélioration continue

Notre étude a également fait ressortir que plusieurs aspects du programme nécessitaient une amélioration continue.

Bien que le dépistage de troubles de santé mentale constitue une force du programme du Community Youth Court, certains chercheurs aspirent au dépistage systématique de tous les adolescents qui doivent se présenter devant un tribunal afin de repérer plus tôt ceux qui requièrent des services en matière de santé mentale.

Une autre préoccupation concerne les différents besoins de ce segment de la population. Une étude montre qu’il ne faut pas seulement répondre à leurs besoins en matière de santé mentale pour contribuer à prévenir la récidive, mais qu’il est également important de traiter d’autres types de facteurs – appelés « besoins criminogènes » – qui sont liés de manière plus directe au comportement criminel (p. ex., comportement antisocial, problèmes reliés au fonctionnement de la famille, difficultés scolaires et manque d’engagement scolaire). Nous avons constaté que seulement 20 % des adolescents avaient commis une infraction en raison directe de leurs problèmes de santé mentale. Dans la plupart des cas, les infractions commises étaient liées à des besoins criminogènes qui pourraient être associés aux besoins en matière de santé mentale des adolescents. Réaliser des évaluations complètes pourrait nous aider à mieux comprendre les besoins criminogènes et les besoins en santé mentale des adolescents ainsi que d’autres facteurs tels que les antécédents de traumatisme.

Ces aspects nécessitant une amélioration continue mettent en perspective les types de facteurs dont il est important de tenir compte dans le cadre de tout programme en lien avec les adolescents ayant des démêlés avec la justice et des besoins en matière de santé mentale.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur cette étude ou pour recevoir une copie du rapport d’évaluation, veuillez nous contacter à m.petersonbadali@utoronto.ca ou krista16@yorku.ca.

Krista Davis est étudiante au doctorat au programme de psychologie clinique et développementale à l’Université York. Son sujet d’étude et ses champs d’intérêts cliniques portent sur les liens qui existent entre la santé mentale et les adolescents ayant des démêlés avec la justice.

 Michele Peterson-Badali, docteure en psychologie et psychologue certifiée, est professeure au Département de psychologie appliquée et du développement humain, OISE, Université de Toronto.