Stratégie de justice applicable aux Autochtones

À propos de la Stratégie

La Stratégie de justice applicable aux Autochtones (SJA) est une initiative d’Aide juridique Ontario qui vise à élargir l’accès à la justice et à améliorer la capacité

d’Aide juridique Ontario à répondre aux besoins locaux des membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits et de leurs communautés.

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Les rapports Gladue : plus qu’un rapport sentenciel

Par Chad Kicknosway

1.  c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688

La décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Gladue reconnaît clairement la position particulière des délinquants autochtones dans le système de justice pénale du Canada. Ceux qui travaillent dans le système de justice pénale savent bien que les Autochtones y sont surreprésentés. La Cour suprême a indiqué dans sa décision « qu’on peut à bon droit qualifier de crise dans le système canadien de justice pénale »[1] la surreprésentation des Autochtones.

L’essentiel de la décision était l’interprétation, par la Cour suprême, de l’alinéa 718.2 e) du Code criminel du Canada. La Cour a décidé qu’« Il est raisonnable de présumer que le Parlement, en prévoyant spécifiquement à l’al. 718.2e) la possibilité de traiter différemment les délinquants autochtones dans la détermination de la peine, a voulu tenter d’apporter une certaine solution » [2] au problème de la surreprésentation et de la proportion anormale d’emprisonnement chez les délinquants autochtones.

La décision exige essentiellement que le juge qui prononce la peine tienne compte des facteurs systémiques distinctifs qui ont conduit un délinquant autochtone en particulier devant les tribunaux et examine toutes les sanctions substitutives applicables, autres que l’emprisonnement, pour le délinquant autochtone, même si ces solutions de rechange n’ont pas de composant culturel.

Naissance du rapport Gladue

Les juges qui prononcent la peine doivent prendre des décisions informées, en consultant des sources d’information qui ne seraient normalement pas devant les tribunaux. La Cour suprême a suggéré que « pour chaque infraction et chaque délinquant donné, il se peut que certains éléments de preuve soient nécessaires pour assister le juge dans la détermination de la peine appropriée »[3]. Elle a également précisé qu’« À l’évidence, la présence d’un délinquant autochtone requerra une attention particulière dans les rapports présentenciels »[4].

Bien que de nombreux rapports présentenciels contiennent des facteurs indiqués dans l’arrêt Gladue, il y a eu de nombreux cas problématiques où des délinquants autochtones, qui avaient subi du racisme, de la discrimination, la pauvreté, des circonstances familiales dysfonctionnelles et des dépendances, ne se sentaient pas suffisamment à l’aise pour discuter de ces problèmes avec un étranger, surtout un non-autochtone, qui travaille pour le système de justice pénale.

Le tribunal des Autochtones à Toronto a ouvert la voie à une approche encourageant la prise en compte des renseignements personnels et des expériences des délinquants autochtones devant les tribunaux, sous la forme d’un rapport. On appelle ce rapport, qui porte une attention particulière aux facteurs systémiques uniques d’un délinquant autochtone, « rapport Gladue ». Ce genre de rapport a reçu l’appui de la Cour d’appel de l’Ontario[5]. Des rapports Gladue sont maintenant produits dans plusieurs tribunaux de l’Ontario par le biais des Aboriginal Legal Services of Toronto (voir ci-dessous pour plus d’information).

Plus qu’un rapport sentenciel

Un rapport Gladue est produit en général lorsqu’un délinquant autochtone plaide coupable ou est déclaré coupable. Il a deux objectifs : mettre en lumière les facteurs systémiques susceptibles d’avoir conduit un délinquant autochtone particulier devant les tribunaux et fournir des renseignements sur des options de réintégration communautaire à caractère culturel ou non.

Au nombre de ces facteurs systémiques, mentionnons par exemple les répercussions des internats, l’intervention d’une société d’aide à l’enfance, le déplacement, la toxicomanie et la discrimination. Chaque rapport est unique, car il relate l’expérience de vie particulière du délinquant autochtone en cause. Certains de ces facteurs font ressortir des événements intimes de la vie du délinquant autochtone et peuvent expliquer pourquoi il a succombé à la toxicomanie, par exemple, pour surmonter ses problèmes.

Selon les renseignements recueillis et après avoir découvert ou établi les problèmes sous-jacents d’un délinquant autochtone, un chargé de cas Gladue peut proposer des programmes adaptés à sa culture (s’il y en a) pour faciliter sa réintégration. Il propose ces solutions sous la forme de recommandations dont le tribunal tiendra compte au moment de décider d’une sanction pertinente.

La plupart du temps, les rapports Gladue sont préparés par un Autochtone. L’auteur autochtone du rapport comprend mieux les circonstances particulières auxquelles font face les Autochtones et il arrive souvent qu’il a lui-même vécu les mêmes expériences. Ainsi, l’auteur du rapport peut établir facilement un lien avec le délinquant autochtone.

Avantages des rapports Gladue

Il y a de nombreux avantages à la préparation d’un rapport Gladue à l’attention du juge qui prononce la peine. Lorsqu’un rapport Gladue est préparé, le délinquant autochtone a la possibilité de se pencher sur les problèmes qui ont contribué à sa situation au sein du système de justice pénale. De nombreux délinquants autochtones n’ont pas eu la possibilité d’utiliser des ressources et des soutiens pour les aider dans leur guérison. Dans la plupart des cas, les délinquants autochtones ont révélé qu’ils avaient été rudement traités dans le système de justice pénale qui leur avait imposé l’incarcération au lieu de solutions substitutives favorisant une réintégration réussie. Privilégier la réintégration permet de réduire le nombre d’Autochtones incarcérés.

L’un des avantages sous-jacents qui ne sont pas évidents pour le système de justice pénale est l’effet thérapeutique de la préparation d’un rapport Gladue. De nombreux délinquants autochtones n’ont pas eu l’occasion d’expliquer qui ils sont ou, dans la plupart des cas, ils n’ont jamais eu l’occasion de réfléchir à la personne qu’ils sont devenus. La préparation d’un rapport Gladue encourage cette autoréflexion. Lorsque le chargé de cas Gladue met au jour des problèmes personnels, il peut proposer au délinquant autochtone des ressources et des soutiens qui pourraient l’aider à surmonter ces problèmes. De nombreux délinquants autochtones affirment qu’ils ne savaient même pas que ces services existaient.

De cette perspective, un rapport Gladue est bien plus qu’un rapport sentenciel. Il représente une approche holistique qui constitue souvent une première étape dans le chemin de guérison du délinquant autochtone.

[1] R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688, para 64.

[1] Ibid.

[1] Ibid, para 83.

[1] Ibid, para 84.

[1] R. c. Kakekagamick, [2006] O.J. No. 1449; 69 W.C.B. (2d) 157 (C.A.).

Autres renseignements

Les Aboriginal Legal Services of Toronto (ALST) préparent des rapports Gladue pour les Autochtones dans les tribunaux suivants : Barrie, Brantford, Guelph, Hamilton, Kitchener-Waterloo, Lindsay, Oshawa, Ottawa, Peterborough, Sarnia et Toronto (et d’autres localités voisines sur approbation). Pour demander un rapport, visitez le site Web des ALST, à www.aboriginallegal.ca ou composez le 1 416 408-3967.

Chad Kicknosway est Ojibway et diplômé de droit. Il travaille actuellement comme chargé de cas Gladue à Aboriginal Legal Services of Toronto et rédige des rapports Gladue depuis quatre ans.