Pour bâtir sa Stratégie en matière de violence familiale, AJO s’est attachée à examiner les services qu’elle offre du point de vue du client touché par la violence familiale.
Ce billet entre dans le cadre d’une série explorant les besoins juridiques des clients touchés par la violence familiale.
Bisma* et Farhan, âgé de 38 ans, se sont mariés il y a quatre ans. Il s’agissait d’un mariage arrangé, Bisma n’avait alors que 18 ans. Farhan est un citoyen canadien, il a parrainé Bisma pour qu’elle le rejoigne au Canada.
Dès qu’ils ont déménagé à Brampton, en Ontario, loin de leurs familles respectives restées au Pakistan, Farhan s’est montré très autoritaire. Il dictait à Bisma ce qu’elle pouvait et ne pouvait pas porter; quand elle était autorisée à quitter la maison, qui elle avait le droit de voir, de combien d’argent elle pouvait disposer et dans quoi elle pouvait le dépenser. Il a également commencé à la battre, souvent devant leurs deux petites filles.
Parce que Bisma parle peu anglais et qu’elle ne connait personne au Canada, elle ne sait pas vers qui se tourner ni quoi faire. Elle sait qu’elle ne peut pas rester avec Farhan et retourner au Pakistan lui est également impossible. Ses parents ne comprendraient pas. Bisma a souvent vu son père battre sa mère.
Bisma voudrait que ses filles grandissent au Canada, à l’abri de la violence, et qu’elles aient accès à plus de possibilités comme la scolarisation des filles, une possibilité dont Bisma a été privée.
Un sentiment d’isolement
Isolée et seule, Bisma fait face aux mêmes problèmes que ceux rencontrés par beaucoup de nouveaux immigrants touchés par la violence familiale :
- Ils ne connaissent pas la langue.
- Ils ne savent pas vers qui se tourner.
- Ils ne connaissent pas leurs droits.
Et comme beaucoup de personnes qui ont vécu la violence familiale, le fait que Bisma n’ait pas de statut juridique la rend réticente à demander de l’aide, ou même à quitter son partenaire violent — une absence de statut qui fait obstacle à son départ. Quand Farhan affirme à Bisma qu’il peut la faire expulser et la séparer de ses enfants, elle le croit fermement.
Résidence permanente conditionnelle
La tragédie pour de nombreux demandeurs d’asile au Canada qui, comme Bisma, ne connaissent personne au Canada et parlent très peu anglais, c’est que le Canada a les mesures en place pour les protéger.
En octobre 2012, le gouvernement canadien a introduit une période de résidence permanente conditionnelle pour les époux et partenaires parrainés. Pour la plupart des personnes, cela signifie qu’elles doivent vivre avec leur parrain pendant une période probatoire — d’au moins deux ans — ou elles risquent de perdre leur statut permanent ou d’être expulsées.
Toutefois, il existe une exception à cette règle : si le partenaire est violent, et si la personne peut prouver que la violence a eu lieu et qu’elle a causé la rupture, elle peut alors être en mesure de rester au Canada même si elle ne vit pas avec son parrain.
À la recherche de solutions
Aide juridique Ontario (AJO) prend des mesures pour garantir que les personnes qui se retrouvent dans une situation comme celle de Birma ont accès à la justice auxquelles elles ont droit. C’est pourquoi, dans le cadre de l’élargissement considérable des services d’aide juridique, les demandeurs d’asile touchés par la violence familiale peuvent faire une demande de certificat fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.
Bien que cette mesure permette de contribuer à offrir des services améliorés, la véritable bataille reste de pouvoir le faire savoir aux immigrants touchés par la violence familiale.
Au cours de notre consultation sur l’élaboration de la Stratégie d’Aide juridique Ontario en matière de violence familiale, nous chercherons à consulter des défenseurs d’immigrantes ou de réfugiées au sein du système de justice, notamment des décideurs, pour connaître ce qu’ils recommandent pour aider ce groupe.
Quels sont les partenariats à mettre en place entre les services sociaux et le milieu de la justice pour nous permettre à tous d’apporter une aide plus efficace?
Nous tenons à connaitre votre opinion. Si vous n’êtes pas en mesure de participer à une séance, vous pouvez lire le document de travail intitulé Élaboration d’une stratégie en matière de violence familiale et faire part de vos suggestions et commentaires par courriel à dvs@lao.on.ca.
*Leurs prénoms ont été modifiés. Tous les exemples personnels de ce billet sont tirés d’éléments d’expériences de clients. AJO fait du droit à la confidentialité une priorité et ne publie le nom et les expériences d’un client que si ce dernier y a consenti par écrit.